Si vous vous aimiez vraiment, vous tiendriez un journal

Une affirmation audacieuse, je sais, mais je le pense vraiment. L'acte ultime de l'amour de soi est l'expression de soi. C'est croire en toute confiance que vos pensées, qu'elles soient stupides ou sérieuses, sont dignes d'être notées, sans exception. Je suppose que je ne suis pas la seule à avoir passé mon enfance et au moins la moitié de mon adolescence à essayer sporadiquement de tenir un journal régulier et à échouer systématiquement.

Même lorsque j'étais petite fille, alors que la honte et l'inhibition auraient dû influencer exactement 0 % de mes décisions, l'acte de tenir un journal rempli de mes pensées et sentiments quotidiens me semblait frivole et embarrassant, et je n'ai jamais réussi à écrire plus d'une ou deux entrées avant d'abandonner. Je pouvais parfaitement danser comme une idiote dans les allées de l'église ou crier avec assurance les mauvaises réponses en classe, mais quelque chose dans l'acte de tenir un journal me gênait comme rien d'autre ne pouvait le faire, ce qui n'a pas de sens, n'est-ce pas ?

Ne pense-t-on pas généralement que la gêne est une émotion que l'on ne ressent qu'au milieu d'une foule, une émotion qui découle directement du fait d'être jugé ? Pourquoi alors l'idée de tenir un journal, qui n'était destiné qu'à moi, m'a-t-elle gênée au point de l'abandonner pendant la majeure partie de ma vie ? Pourquoi cette même idée empêche-t-elle encore aujourd'hui de nombreux adultes de tenir un journal ? Je pense que c'est parce que nous nous jugeons nous-mêmes plus sévèrement que n'importe qui d'autre.

Dans notre société fondée sur le mérite, du moins idéalement, on nous enseigne que les bonnes idées méritent d'être partagées et que les mauvaises méritent d'être gardées pour soi, que les bonnes chansons doivent figurer sur l'album et que les mauvaises doivent être laissées sur le plancher de la salle de montage. Je ne dis pas que les mauvaises chansons doivent figurer sur l'album, je dis simplement que vous n'écrirez jamais une bonne chanson tant que vous n'en aurez pas écrit quelques mauvaises.